D'immenses plateaux de glace, dont un de 50 km2, se sont détachés cet été de la côte dans le Grand Nord canadien et dérivent dans l'océan Arctique, une nouvelle indication de la la rapidité des changements climatiques dans cette zone, ont annoncé des chercheurs mercredi.
Le plateau de glace Markham, d'une superficie de 50 km2, l'un des cinq de l'Arctique canadien, s'est détaché au début du mois d'août de la côte de l'île d'Ellesmere et dérive maintenant dans l'océan Arctique.
Le plateau de glace Serson a aussi perdu deux vastes morceaux, ce qui l'a amputé de 60%, soit 122 km2.
"Cet été, au cours des deux derniers mois, nous avons perdu une surface de plateaux de glace de 214 km2", ce qui équivaut à trois fois la superficie de l'île de Manhattan, a déclaré à l'AFP l'un des scientifiques, le Dr Luke Copland, directeur du laboratoire de recherche sur la cryosphère de l'université d'Ottawa.
En juillet dernier deux blocs s'étaient détachés de la plateforme de glace Ward Hunt dans la même région. Ce plateau a poursuivi sa désintégration et perdu 22 km2 supplémentaires. Les morceaux à la dérive se sont eux-mêmes brisés en multiples "îles de glace" (icebergs tabulaires).
Et, en 2005 une plateforme de 66 km2, "l'île de glaces Ayles", s'était déjà détachée de l'île d'Ellesmere située dans l'extrême-nord canadien.
"Ces vêlages soulignent la rapidité des changements" qui interviennent dans l'Arctique, a déclaré le Dr Derek Mueller de l'université Trent, dans la province d'Ontario.
"Ces changements sont irréversibles dans le climat actuel et indiquent que les conditions environnementales qui ont préservé l'équilibre de ces plateaux de glace pendant des milliers d'années ont changé", a-t-il ajouté dans un communiqué.
Les plateaux de glace de l'île d'Ellesmere sont formés de glace marine, de neige accumulée et, dans certains cas, de glace glaciaire. Comptant jusqu'à 4.500 ans d'âge et d'une épaisseur d'environ 40 mètres, ces formations naturelles sont très différentes de la glace marine ordinaire.
Dans une conversation téléphonique avec l'AFP, le Dr Copland a souligné que les pertes de plateaux de glace étaient 10 fois supérieures à ce qui avait été constaté en juillet dernier.
Il en a attribué la responsabilité à une hausse de la température et à la baisse de la quantité de glace sur l'océan. Celle-ci appuie normalement contre les plateformes de glace de l'île. Le retrait de la couverture glaciaire de l'océan arctique a "permis aux vents et aux vagues de provoquer des fissures qui ont fini par entraîner des ruptures", a-t-il expliqué.
Le réchauffement est plus rapide aux pôles et la température a augmenté en moyenne de 2 degrés Celsius au cours des cinquante dernières années dans la zone d'Ellesmere. Et ce réchauffement est encore plus net en hiver - 5 degrés Celsius - note le Dr Copland.
Cela a pour conséquence que les plateaux glaciaires qui se reconstituaient en hiver après les fontes d'été ne peuvent plus le faire désormais.
"On a atteint un seuil. Il fait trop chaud pour que ces plateformes continuent à exister et elles se brisent", dit-il.
Au cours du siècle dernier, le Canada a perdu plus de 90% de ses plateaux de glace, surtout lors d'une période chaude au cours des années 1930 et 1940.
Mais les températures actuelles dans l'Arctique sont encore plus élevées qu'elles ne l'étaient à l'époque et les plateaux de glace sont entrés dans une nouvelle période de ruptures en 2002, notent les scientifiques.
L'un des membres de l'équipe de chercheurs, le Dr Warwick Vincent du centre d'études nordiques de l'université Laval, vient de rentrer d'une mission dans la région au cours de laquelle il a constaté les changements intervenus.