STRASBOURG (AFP) - Seul territoire français où survit encore le Grand hamster menacé d'extinction, l'Alsace peine à mettre en place un plan de sauvetage que Bruxelles juge "insuffisant" et qui pourrait valoir à la France une assignation à bref délai devant la Cour de justice de Luxembourg.
La Commission européenne a annoncé jeudi avoir adressé un "ultime avertissement" à la France, lui donnant deux mois pour décider des mesures "plus ambitieuses" en faveur de la sauvegarde du Grand hamster d'Alsace (Cricetus cricetus), faute de quoi l'affaire pourrait être portée à Luxembourg.
Autrefois considéré comme nuisible par les agriculteurs alsaciens, le Grand hamster ou Hamster d'Europe est protégé depuis 1993 et fait partie des "mammifères les plus menacés d'Europe", estime la Commission qui en veut pour preuve la chute drastique du nombre de terriers en Alsace, de 1.167 en 2001 à 161 en 2007. Adulte il mesure 20 cm.
D'autres spécialistes estiment qu'il reste encore quelque 400 terriers, ce qui reste en-deçà du seuil de 1.500 individus capables d'assurer la survie de l'espèce en Alsace.
Quelque 40 à 60 terriers viennent d'être dénombrés à proximité de l'une des infrastructures en voie d'achèvement, la Voie rapide du piémont des Vosges, ce qui a conduit l'association haut-rhinoise Sauvegarde Faune Sauvage à réclamer un moratoire du projet, en même temps que du Grand contournement ouest de Strasbourg.
Saisie de plaintes de la même association, la Commission européenne avait déjà adressé une première mise en demeure à la France en octobre 2007.
En novembre 2007, le comité permanent de la convention de Berne lui emboîtait le pas en plaçant la France sous surveillance à propos du hamster.
Mi-février, le ministère de l'Ecologie avait finalement annoncé la mise en place d'un plan de sauvegarde doté de 500.000 euros.
Il prévoit la mise en place de 22% de cultures favorables au hamster dans trois zones d'action prioritaire (deux dans le Bas-Rhin, et une dans le Haut-Rhin, pour un total de quelques milliers d'hectares).
L'impact des infrastructures routières sur les zones de présence historique du mammifère sera compensé à raison de deux hectares pour chaque hectare détruit, qui viendront renforcer les zones prioritaires.
Enfin, des contrats devraient être mis en place avec les agriculteurs en dehors des zones prioritaires.
Mais la Commission pense "que les mesures qu'il contient seront insuffisantes pour freiner le déclin" du hamster.
Cette dernière demande notamment que le plan prévoie "davantage de mesures de lutte contre les pratiques agricoles" (en particulier la culture intensive du maïs) et "l'expansion urbaine" qui détruisent l'habitat naturel de cet animal.
Dans un rapport de février 2008 dont l'AFP a obtenu copie, l'Inspection générale de l'Environnement avait déjà préconisé que soient proscrites certaines mauvaises pratiques agricoles. Ainsi, "la culture du maïs devrait être contingentée" et faire l'objet de "rotations pluriannuelles", alors que le hamster se complaît dans la luzerne et le blé.
Le rapport proposait aussi que soit défini "a priori" un "milieu particulier" correspondant aux quelques 70.000 hectares colonisés par le hamster en 1990, dans lequel tout projet de construction devrait être soumis à autorisation, une proposition susceptible de ne pas être du goût des aménageurs du territoire.
Dans les discussions en cours avec les associations et les collectivités locales sur le plan Hamster, l'Etat défendrait ainsi l'idée d'un milieu particulier de 50% moins important, selon une source proche des négociations.