WASHINGTON (AFP) - La Cour suprême américaine s'est penchée mercredi sur un surprenant dilemme : celui de l'opportunité de restreindre l'usage d'un sonar pendant une session d'entraînements de la Navy pour protéger baleines et dauphins, comme l'ont décidé plusieurs tribunaux fédéraux.
A l'origine du débat, le constat effectué par des associations environnementales, et partagé par de nombreux scientifiques, que certaines fréquences de sonar provoquent la surdité temporaire des mammifères marins, les désorientant voire les amenant à s'échouer sur la côte et mourir.
Or, la Marine américaine utilise un sonar à moyenne fréquence pour des entraînements au large de la Californie afin de détecter des sous-marins potentiellement ennemis.
Elle avait prévu 14 sessions d'exercice entre février 2007 et janvier 2009, dont "huit ont été effectivement menés à terme", a rappelé mercredi devant la plus haute juridiction des Etats-Unis Me Richard Kendall, avocat du Conseil pour la défense des ressources naturelles (NRDC) qui a déposé plainte en mars 2007.
Quelques mois plus tard, un tribunal fédéral californien avait conclu que l'utilisation de ce sonar représentait, avec "quasi certitude", un "danger irréparable" pour l'environnement.
En janvier dernier, le même tribunal a délivré une "injonction" ordonnant aux militaires de réduire le niveau de fréquence du-dit sonar et de l'éteindre complètement lorsqu'ils détectent un mammifère marin dans un périmètre de 2 km.
Le président Bush en personne a même signé un ordre d'exemption au motif que ces entraînements relèvent de l'intérêt national et qu'une situation d'"urgence" lui permet de passer au-dessus d'une décision judiciaire en matière d'environnement. Pour son administration en outre, seul l'exécutif peut décider des modalités d'un exercice militaire.
A nouveau saisie, la cour d'appel a renvoyé l'affaire devant le premier tribunal, jugeant que celui-ci n'avait pas outrepassé ses pouvoirs en délivrant une injonction, d'autant plus que la Navy n'avait pas, selon elle, fait la preuve que des restrictions dans l'usage du sonar, l'empêchaient de mener à bien ses entraînements.
Une injonction que l'avocat du gouvernement, Me Gregory Carre, a repoussé mercredi devant la Cour suprême, jugeant que la décision de la Cour d'appel était "fondamentalement imparfaite", notamment parce qu'elle "ne tient pas compte de l'intérêt public".
Il a néanmoins reconnu que l'étude préliminaire effectuée par la Navy avait montré que le sonar pouvait perturber 170.000 mammifères marin, et provoquer la "surdité temporaire" de 8.000 baleines.
Il a en outre insisté sur le niveau sonore du sonar utilisé par les militaires, bien en deçà selon lui du niveau dangereux pour la vie de la faune marine.
L'avocat de la NRDC a rencontré davantage de difficultés face aux neuf sages: "un seul juge peut-il prendre une décision là-dessus ? Sur un sujet de défense nationale ?", ont-ils interrogé, soucieux de trouver la juste balance entre un sous-marin nord-coréen non détecté et une baleine.
Mais l'avocat n'a pas démordu de sa position: malgré des mois de négociations, la Navy refuse de concéder quoique ce soit à la protection des espèces marines.
Interrogé par l'AFP lors d'un congrès mondial pour la nature, Michel André, directeur du Laboratoire d'Applications Bioacoustiques (LAB) de l'Université Polytechnique de Catalogne (UPC) a rappelé que les scientifiques disposaient de données montrant que "les échouages en masse de baleines et de cachalots sur les plages seraient dus à leur exposition à des sources sonores artificielles".