NIAMEY (AFP) - La soixantaine musclée et tannée par le désert, un oeil d'épervier, Maurice Ascani, un ancien photographe de presse français, a débarqué au Niger en 1968. Il n'en est jamais reparti et "mitraille" depuis la faune en danger.
A la tête de SOS Faune du Niger, ce "Nigérien blanc", mi-Italien mi-Corse, se bat notamment pour la survie des derniers et rarissimes addax de cet immense pays sahélien devenu un terrain de chasse apprécié des émirs du Golfe et des Libyens.
L'addax, cette grande antilope aux cornes élégamment torsadées, est devenu le logo de l'ONG que Maurice a fondée il y a près de 5 ans, pour sauver ce qu'il appelle "une véritable arche de Noé", notamment dans le massif de Termit (est), dont l'Unesco étudie le classement au patrimoine mondial.
Après Mai-68, la révolte étudiante en France, Maurice part pour sa première traversée du Sahara. Godillots aux pieds, appareils en bandoulière.
Il pose finalement son barda à Niamey, sans se douter qu'il y posait aussi sa vie et son coeur: c'est là qu'il rencontre sa future femme Julie, Française comme lui.
"J'étais photographe de presse. Je ne pensais pas rester là aussi longtemps. Et puis j'ai attrapé le virus. J'ai découvert les gens, le désert, la faune, et ça fait 40 ans que je m'efforce de dire qu'il faut valoriser et protéger le patrimoine de ce pays", raconte-il.
Maurice se souvient du temps où le pays, dont il a pris la nationalité, regorgeait d'animaux: "Il y a 30-35 ans, il y avait des troupeaux d'éléphants à 50 km maximum de Niamey. C'est fini", dit-il en évoquant ce jour où il tomba nez à nez avec un hippopotame... dans son jardin en bord de fleuve.
Au fil des minutes, la conversation tourne à un inquiétant faire-part de décès. "C'est pareil pour le lion, en voie d'extinction en Afrique de l'Ouest. Il y en avait même dans la savane autour de Niamey".
"Que dire de l'oryx, cette grande antilope qui a complètement disparu à l'état sauvage ici, malgré la convention CITES de Washington qui avait classé cet animal en Annexe 1 pour une protection totale dès 1983", s'indigne-t-il.
Il se souvient aussi, alors que la grande chasse était totalement interdite, "d'officiers qui partaient chasser les girafes accompagnés de plusieurs bouchers. La viande finissait sur les étals de Niamey".
Maurice n'est pas du genre rêveur romantique: dans l'arrière boutique de son studio-photo-journaux-tabac au centre de Niamey, ses armoires débordent de classeurs et dossiers méthodiquement constitués: coupures de presse, textes de lois et de conventions internationales sur la protection des espèces...
Lui-même a fait des reconnaissances en ULM pour tenter d'évaluer ce qu'il reste de certaines espèces.
Au fil des ans, SOS Faune du Niger est devenue un "empêcheur de chasser en rond", notamment pour ceux qui viennent "assouvir leur passion, en fait de véritables massacres": "Ils viennent avec des armes automatiques, des armadas de véhicules, du personnel, et montent des camps protégés par l'armée dans des coins loin de tout".
L'Etat dispose de maigres moyens pour réguler la chasse. Reste la conscience et le courage des agents des Eaux et Forêts: "Je me souviens d'un prince saoudien bloqué plusieurs fois entre Dosso et Taoua. Finalement le gouvernement de l'époque avait baissé les bras et le prince était reparti", raconte Maurice.
"Nous ne sommes pas contre la chasse (interdite de 1972 à 1996), si les lois sont respectées et si les espèces en voie d'extinction comme l'addax, le mouflon à manchette, l'outarde, la petite gazelle Dorcas, la gazelle Dama, l'emblème du Onze national de foot, sont complètement protégées", plaide-t-il.