PARIS (AFP) - Le film "Les Seigneurs de la Mer" (Sharkwater), dans les salles le 9 avril, prend la défense des requins, une espèce menacée, victime de sa mauvaise réputation et de l'explosion de la demande asiatique pour la soupe aux ailerons de requins.
"100 millions de requins sont tués chaque année. Dans 5 ou 10 ans, de nombreuses espèces de requins auront disparu", s'alarme le réalisateur du film, Rob Stewart.
Un comble pour un animal apparu il y a plus de 400 millions d'années, bien avant les dinosaures, et qui a survécu aux cinq crises majeures d'extinction des espèces.
Le film commence sur de très belles images de squales évoluant dans le grand bleu, indifférents aux plongeurs qui les entourent.
"J'ai commencé le tournage il y a six ans, quand j'avais 22 ans", indique à l'AFP Rob Stewart, biologiste et photographe sous-marin. "Au début, je voulais juste faire un joli documentaire sous-marin", ajoute-t-il.
Par la suite, il rejoint les membres de la Sea Shepherd Conservation Society, fondée par Paul Watson, un ex de Greenpeace, et embarque avec eux sur l'Ocean Warrior pour une campagne contre la pêche illégale de requins au large du Costa Rica et de l'Equateur.
Le documentaire se transforme alors en un film d'action, avec une rocambolesque course-poursuite entre pêcheurs et écologistes en plein océan Pacifique.
Les cadrages serrés s'attardent sur les requins qu'on hisse à bord, les pêcheurs qui leur tranchent les nageoires et les rejettent à l'eau, encore vivants, pour quelques heures ou quelques jours d'agonie.
Incapables de nager, se vidant de leur sang, les animaux meurent de mort lente en s'asphyxiant.
"L'aileron rapporte beaucoup d'argent - 4 à 500 dollars le kilo - mais la chair du requin, en comparaison, ne vaut pas grand-chose", explique Rob Stewart.
Alors, les pêcheurs font place nette sur le bateau, laissent les ailerons sécher au soleil, et ne s'embarrassent pas du reste, qu'il faudrait conserver dans des chambres froides.
L'aileron de requin est une délicatesse populaire en Asie -- particulièrement la Chine, où elle est typiquement servie en potage à l'occasion de mariages.
La demande a explosé au cours des dernières années et "plus les requins se raréfient, plus leur pêche est profitable", indique Rob Stewart.
Les requins ne sont pas protégés par la réglementation internationale, s'indigne-t-il. Les propositions de classement de deux espèces de requins - l'aiguillat et le requin taupe - parmi les espèces protégées de la Convention sur le commerce international des espèces menacées (CITES) ont été rejetées lors de la dernière conférence de la CITES en juin.
Les éléphants et les crocodiles qui tuent chaque année plus de personnes dans le monde que les requins, sont protégés, souligne Rob Stewart.
En 2007, les attaques de requins ont provoqué la mort d'une seule personne dans le monde, le plus faible niveau en 20 ans, selon l'Université de Floride.
"J'ai passé des milliers d'heures sous l'eau avec des requins et je n'ai jamais été attaqué", s'insurge Rob Stewart, dénonçant l'image que des films comme Les Dents de la Mer ont donné de cet animal.
Difficile, selon lui, d'imaginer la planète sans les requins qui ont un rôle crucial dans l'équilibre des écosystèmes marins.
Il compte sur le succès de son film en France: "il y a eu le commandant Cousteau et le Grand Bleu (le film de Luc Besson, ndlr), les gens ici ont une histoire d'amour avec l'océan".