BERLIN (AFP) - L'Allemagne s'apprête à interdire l'importation et le commerce des produits issus de la chasse au phoque, une mesure qui pourrait accélérer la prise d'une décision au niveau de l'Union européenne.
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Un projet de loi en préparation depuis fin 2006, qui vise à interdire en Allemagne les fourrures, chairs et huiles de phoque, a été présenté mercredi en conseil des ministres.
Avant d'être soumis au Bundestag (chambre basse du parlement), les détails du texte "doivent encore être fignolés" et sa conformité avec le droit européen et international vérifiée, a indiqué le porte-parole adjoint du gouvernement, Thomas Steg.
La loi pourrait entrer en vigueur en avril. Elle imposerait aux contrevenants des amendes de 25.000 ou 30.000 euros, selon la presse. Les produits issus de la chasse "traditionnelle" du phoque par les Inuits resteraient, eux, tolérés.
Berlin invoque la protection des animaux et met en avant le dépeçage de phoques pour leur pelage alors même qu'ils sont encore en vie.
Les députés avaient appelé en 2006 la Commission européenne à se saisir du dossier alors que nombre de produits dérivés du phoque arrivent en Europe via Hambourg, premier port allemand.
En septembre 2006, le Parlement européen avait adopté une déclaration écrite pour inviter la Commission à fermer les frontières de l'UE à ce commerce.
Comme "la Commission n'a pas été en mesure pour l'instant de faire des propositions, pour quelque raison que ce soit", et que "rien n'est en vue", Berlin veut trouver "rapidement une solution nationale", a précisé M. Steg.
Le Canada, grand exportateur de produits du phoque, "exerce un énorme lobbying en direction de l'UE et c'est la raison pour laquelle l'Allemagne bouge aujourd'hui. C'est une manière de faire, en attendant que l'Europe se prononce", juge Bernard Derty, de la section française du Fonds international pour la protection des animaux (IFAW).
"La France aura la présidence de l'UE en juillet, elle pourra éventuellement décider de faire avancer le dossier", estime-t-il.
L'Allemagne ne sera pas le premier pays à bannir ces produits. A l'instar des Etats-Unis et du Mexique, plusieurs pays européens l'ont déjà fait (Belgique, Croatie, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et Slovénie).
Mais si un pays de poids comme l'Allemagne légifère, il pourrait y avoir "un effet domino", estime Ralf Sonntag, président de la section allemande de l'IFAW. C'est, dit-il, ce que redoute le Canada.
La France réfléchit à la question d'une interdiction mais privilégie une solution communautaire. Idem pour la Grande-Bretagne qui a déjà interdit les produits tirés des bébés phoques. L'Autriche a lancé un projet de loi généralisant la prohibition, après avoir instauré des interdictions de comerce limitées.
Le Canada, principal exportateur de produits issus du phoque avec la Russie, a lancé une action devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) contre les mesures prises en 2007 en Belgique et aux Pays-Bas.
Ottawa argue de l'importance de ce secteur économique et du fait que l'espèce n'est pas en péril. Il a autorisé en 2007 la chasse de 270.000 phoques. En 2006, les exportations de produits dérivés du phoque s'étaient élevées à 18 millions de dollars, dont 5,4 millions vers l'UE.
En Europe, le Danemark tient un rôle d'intermédiaire majeur dans ce commerce lucratif qui trouve sa clientèle principale en Chine, en Europe de l'Est et en Russie. Outre les fourrures, l'huile de phoque est prisée parce qu'elle contient de "bonnes graisses", les "Omega 3", utilisées notamment dans la cosmétique pour des produits anti-rides.